L’installation d’une cabine de téléconsultation à Mons a mis en lumière la lancinante désertification médicale des territoires ruraux. Le départ spontané et inattendu du Dr. Perret au printemps 2019 à laissé sur le carreau quelque 1 200 patients.
Face à l’urgence, les infirmières du secteur se sont démenées pour suivre leurs patients et les accompagner du mieux possible, sous les yeux d’une ARS (Agence régionale de santé) visiblement impuissante devant cette pénurie de médecins de campagne.
Une cyberbase reconvertie en pôle santé connecté
Les infirmières Émilie Nemoz-Gaillard et Julie Aubry-Lachainaye ont alors proposé aux élus la création d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CTPS). Cette structure regroupe 21 communes, soit 23 000 habitants, et rassemble, autour d’un pôle santé créé dans l’ancienne cyberbase monsoise, une quinzaine de médecins des alentours et d’autres professionnels de santé. Gérard Banquet, maire de Mons, a rappelé ces chiffres alarmants et qui ne sont pas une exception à Mons : « Aujourd’hui, il y a un médecin pour 1 440 patients sur notre secteur. Avec les départs en retraite qui approchent, dans cinq ans, les médecins auront à leur charge près de 2 500 patients. » L’Organisation mondiale de la santé recommande de ne pas dépasser les 800 patients par médecin.
Après un an de recherche de solutions alternatives à la présence d’un docteur dans le village, une solution innovante est apparue à la CTPS : l’installation d’une cabine de téléconsultation, accessible quatre demi-journées, du lundi au samedi sur une large plage horaire et également sur rendez-vous. Depuis le 23 juillet, les habitants de Mons et des alentours ont enfin accès à un médecin, et même à 200 médecins. Le patient n’est pas assuré d’avoir le même médecin à chaque nouvelle consultation. « Nous avons déjà installé une centaine de ce dispositif en France. Les retours des patients sont très positifs », assure Lucas Goumarre, co-fondateur de la société Tessan (Hauts-de-Seine), qui a proposé à la commune cette cabine en location pour 18 000 € l’année. La machine accueille deux personnes et une panoplie de sept dispositifs médicaux connectés, contrôlés à distance par le médecin lors de la téléconsultation pour l’auscultation de la peau, du cœur, du pouls, de la tension et du poids.
La cabine est totalement insonorisée et la séance se déroule en présence d’une infirmière ou d’un infirmier. « Nous avons été agréablement surprises avec Julie, indique l’infirmière Émilie Nemoz-Gaillard. On oublie vite la machine, nous sommes réellement en immersion avec le médecin. La seule limite à la téléconsultation, c’est la palpation. »
Avantage non négligeable, « la cabine de téléconsultation permet de réduire drastiquement les temps de rendez-vous chez un médecin ou un spécialiste pour qui chez certains il faut compter parfois plusieurs mois d’attente quand les nouveaux patients sont de plus en plus carrément refusés », abonde Gérard Banquet, quelque peu soulagé devant le succès de la cabine.
« C’est une très belle trouvaille, je n’ai aucune difficulté à consulter. Je n’avais pas de médecin traitant ni sur Mons, ni sur Alès. J’ai déjà fait quatre consultations, le système est très efficace », a témoigné Anne Berland, Lyonnaise, installée à Mons depuis janvier 2020.
Alès Agglomération va lancer ses États généraux de la santé
C’est justement lors des prises de paroles que les élus locaux (conseillers départementaux, communautaires et parlementaires, hormis la députée Annie Chapelier) ont souhaité alerter l’État, représenté par le sous-préfet Jean Rampon, en tapant du poing sur la table, exigeant entre autres une véritable égalité en matière de système de santé entre les territoires, notamment urbains et ruraux.
Christophe Rivenq, président d’Alès Agglomération, a d'ailleurs annoncé l’organisation des États généraux de la santé avec les partenaires professionnels et institutionnels afin de trouver des solutions durables face à la désertification médicale du territoire.
Souhaitant rabaisser le tensiomètre de l’assemblée, Jean Rampon a précisé « qu’en France, contrairement à l’Angleterre, ce n’est pas l’État qui organise l’entièreté du système de santé sur le territoire », précisant qu’il ne fait qu’appliquer la loi, laquelle est votée par les parlementaires... Et d’ajouter : « Il y a une répartition entre ce qui relève de l’État et un système libéral. L’État agit à travers la création de maisons de santé notamment mais n’est pas responsable de l’installation des médecins de campagne », tout en félicitant le maire et la CTPS d’avoir trouvé à Mons une alternative.
Exit le médecin de campagne “à l’ancienne”
Alternative, c’est bien le mot. Car si tout le monde se félicite, certes de cette innovation bien pratique tout en précisant que ce n’est pas la panacée, ce nouveau système de médecine laisse à réfléchir : en effet, quid de la désertification des territoires ruraux ? Comme l’a rappelé le sous-préfet, la société a évolué. Le médecin “à l’ancienne”, celui qui se consacrait corps et âme sans compter à ses patients et parcourait la campagne, a changé également. Comme chacun d’entre nous, les médecins veulent une vie “normale”, du temps pour leur famille et leurs loisirs…
« Aujourd’hui les infirmières et infirmiers, comme les médecins, investissent du temps personnel dans ce système de téléconsultation (pour ne pas parler de bénévolat, ndlr). "Je crains malgré tout que ces systèmes se développent davantage au détriment de la présence d’un médecin dans les villages qu’aucune machine ne pourra remplacer », avance Émilie Nemoz-Gaillard.
Et à Mons, il y a du réseau, mais qu’en est-il des territoires mal desservis autant en médecins qu’en connexion internet ? Si le numérique peut effectivement pallier certains manques ici ou là, se pose en toile de fond la formation des professionnels de santé en France et celle d’un système libéral comme hospitalier de moins en moins attractif comme le relève l’enquête de la Fédération hospitalière de France d'octobre 2019.
L’enjeu pour une complète égalité d’un système de santé efficace sur l’ensemble du territoire français est donc loin d’être résolu avec ces cabines de téléconsultation.