Après avoir durement frappé Marseille au printemps 1720, la peste arrive en Gévaudan à l’automne de la même année. La première victime est un paysan originaire du hameau de Corréjac, proche de La Canourgue, qui aurait contracté la maladie en se rendant dans une foire.
A-t-il été contaminé par un galérien évadé de Marseille, comme le prétend la tradition populaire locale, ou bien tout simplement notre homme a-t-il été piqué par des puces, infectées par le bacille pesteux, présentes dans des ballots de laine provenant de la foire de Beaucaire ?
Sa famille, venue l’enterrer quelques jours plus tard, introduira la peste dans le bourg de La Canourgue où la terrible épidémie se manifestera de manière spectaculaire au printemps 1721 avant de sévir à Marvejols, Mende et dans 23 autres paroisses du comté du Gévaudan, faisant près de 5 500 morts durant deux années pour une population de 90 000 habitants.
La peste est arrivée à Alès en 1721
À l’automne 1721, très certainement transportée par des soldats affectés au blocage du Gévaudan, la maladie arrive à Alès (364 décès), puis à Saint-Paul-la-Coste, Saint-Jean-du-Pin, Ribaute, mais aussi à Génolhac et Concoules. Au total, l’épidémie ne tuera “que” 570 personnes dans l’actuel département du Gard.
Aujourd’hui, c’est le Coronavirus qui touche notre pays, exactement trois siècles après la dernière pandémie de peste. Selon l’adage populaire, « comparaison n’est pas raison », d’autant que le bacille pesteux est beaucoup plus virulent que le Covid-19 et donc qu’une personne malade de la peste, en particulier de la peste pulmonaire, n’a pratiquement aucune chance de survivre si elle n’est pas soignée très rapidement, ce que ne savaient pas faire les médecins du XVIIIe siècle… Il faut rappeler que la deuxième pandémie de peste a fait disparaître, à la fin du Moyen Âge, la moitié des habitants de l’Europe !
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Les points communs entre 1720 et 2020
Ceci dit, l’origine de la maladie, les comportements des populations et des diverses autorités politiques, médicales et militaires face à l’épidémie, ont de nombreux points communs avec ce que l’on observe en 2020.
Tout comme la peste est une maladie propre aux rongeurs, principalement véhiculée par le rat et ses puces, le Covid-19 est également une maladie animale, transmise par les chauves-souris et les civettes illégalement vendues sur les marchés chinois.
En 1720, on constate aussi le déni des autorités locales et nationales, leurs nombreuses tergiversations avant qu’elles ne prennent des mesures draconiennes afin de tenter de lutter efficacement contre le fléau. Pierre Baglion de La Salle, comte-évêque du Gévaudan, officialise la maladie à la fin du printemps 1721, malgré les diagnostics alarmants des médecins envoyés à Corréjac et La Canourgue dès l’annonce des premiers décès suspects. Une explication à cela : Baglion de La Salle voulait protéger la très importante industrie lainière du Gévaudan et surtout ne pas rompre la commercialisation des tissus vers les autres régions de France, voire vers l’étranger.
Des laissez-passer, ancêtres de nos autorisations de déplacement
Après cette officialisation, n’ayant plus confiance en Pierre Baglion de La Salle, ce sont les militaires, sur ordre du Duc de Roquelaure, commandant militaire et de l’intendant du Languedoc, qui prennent la situation en main en bloquant dans un premier temps les villes de La Canourgue et de Marvejols.
Lorsque le bacille pesteux franchit les murailles de Marvejols pour pénétrer dans Mende, la troupe, soit près de 10 000 soldats, bloque les frontières du Gévaudan. Seules les marchandises de première nécessité, essentiellement du blé et du vin, peuvent franchir le blocus grâce à des passages obligés, sortes de “check points” étroitement surveillés et gardés par des soldats.
Le courrier, les pièces de monnaie sont systématiquement trempés dans du vinaigre pour éviter toute transmission de la maladie et des laissez-passer sont obligatoires pour pouvoir se déplacer. Une Gévaudanaise, voulant illicitement traverser le blocus du côté de Langogne pour aller en pèlerinage au Puy, est abattue sans pitié par un soldat.
Attestation de déplacement datée du 4 novembre 1720, autorisant le trajet de Remoulins à Blauzac (Gard) d’un certain Alexandre Coulomb. ©Librairie “Traces Écrites” (Paris)
En savoir plus
Un confinement obligatoire, il y a trois siècles déjà
« Pars vite, et reviens tard », c’est ce que préconisait Hippocrate pour fuir l’épidémie, mais aussi pour lutter indirectement contre elle. En 1720, « un bruit sourd » circulant dans le Gévaudan, certains de ses habitants quittent leurs maisons de ville pour se réfugier à la campagne, chez l’un de leurs parents ou dans des cabanons, souvent des maisons de vignes situées à l’extérieur des agglomérations. Ces fuyards s’éviteront ainsi le confinement très rapidement ordonné et mis en place par les autorités.
Les Mendois, par exemple, subiront quatre quarantaines ! Lors de ces périodes de confinement où il est strictement interdit de sortir de chez soi, la nourriture (essentiellement du pain), l’eau et le vin sont livrés par les “employés municipaux” de l’époque devant la porte de chaque maison.
L’intérieur des maisons des pestiférés, les meubles et les tissus qu’elles contiennent, tout comme les rues des villes, sont “désinfectés” avec des fumigènes (“parfums”) fabriqués à base de genévrier, de thym, de romarin et de lavande.
Le lourd tribut des médecins
Les médecins, débordés par l’afflux de malades, subissent de lourdes pertes malgré leur tenue spéciale de protection constituée d’une sorte de blouse en toile cirée et d’un masque. Il faudra rapidement faire appel à des praticiens venus de tous les coins de France pour faire face à la situation devenue dramatique. Les chirurgiens, en vérité des barbiers avec très peu de connaissances médicales, sont les plus exposés dans les infirmeries, car leur principal travail consiste à inciser les bubons des malades ou à pratiquer des saignées.
Pour éviter la contamination, les malades ne peuvent recevoir la visite de leurs familles, par ailleurs confinées, qui restent ainsi sans nouvelles de leurs êtres chers. Les corps des défunts ne leur sont pas rendus, mais enterrés dans des fosses communes, hors des murailles des villes ou à l’écart des hameaux ou des villages.
Des remèdes “miracles”
De nombreuses recettes de remèdes “miracles” circulent dans le pays et la Cour favorise leur diffusion auprès des autorités locales. Le curé de Marvejols, pensant être atteint par la maladie, s’administre une potion à forte contenance de soufre et en meurt aussitôt ! Un médecin italien nommé Apostello, arrivé en renfort à Alès, propose le remède suivant qu’il utilise, soi-disant, avec succès « depuis fort longtemps dans plusieurs villes d’Europe » : « deux onces d’angélique, deux noix muscades, une once de cannelle, une once de rhubarbe et du safran ; le tout concassé et infusé dans de l’eau-de-vie et exposé vingt-quatre heures au soleil dans une bouteille bien bouchée. »
J’ai présenté les compositions de plusieurs de ces remèdes à Jean-Louis Roussel, professeur à la faculté de pharmacie de Montpellier, qui n’en a trouvé aucune efficiente pour soigner une telle maladie. Selon lui, tous ces soi-disant remèdes, mais aussi ces “parfums” servant à la désinfection avaient, surtout par leurs odeurs, uniquement des effets psychologiques positifs sur des populations en proie à la peur et au désespoir.
La fin de la peste en 1722
La peste est arrivée à Alès en 1721
En 1722, lorsque la peste cesse en Gévaudan, marquant ainsi la fin de la dernière pandémie de peste qui ait touché notre pays, les survivants et les autorités locales se joignaient aux militaires pour entonner le Te Deum.
Lorsque le Covid-19 stoppera définitivement ses ravages en France et dans le monde, ne faudrait-il pas fêter l’événement sous forme d’une grande manifestation internationale ? Ce grand regroupement des représentants de toutes les nations ayant été contaminées par le Covid-19, symbolisant la fraternité entre les peuples pour affronter et vaincre un ennemi commun, ne pourrait-il remplacer la cérémonie inaugurale des Jeux Olympiques annulés cet été ?
Henry Mouysset*
Cet article a été écrit pour le bulletin “Le Lien de l’association Du Céfédé à la Ligne Verte” et mis à notre disposition aimablement par son président, Guy Benoît.
* Henry Mouysset est co-président de l’association Alès Agglo Arts et Histoire (précédemment Les amis de la nuit des camisards).
Il est l’auteur, entre autres de :
- La peste en Gévaudan 1720-1722, Nouvelles presses du Languedoc, Sète, 2013.
- Les premiers camisards-1702, Nouvelles presses du Languedoc, Sète, 2002.