Le 28 mai, le premier gemmage, par un spécialiste landais, a été réalisé dans la forêt domaniale du Rouvergue, à La Grand-Combe.
Le gemmage est l’opération de récolte de la résine des pins maritimes – également appelée gemme, ce produit est fabriqué par un résineux pour se cicatriser lors d’attaques d’insectes ou de blessures. Cette activité ancestrale, particulièrement pratiquée dans les Landes, a été totalement abandonnée en France en 1990. Avec les industries de la cosmétique ou du bien-être orientées sur des produits écologiques, la demande en huile essentielle certifiée bio explose.
Le pin maritime cévenol présente un excellent profil pour le gemmage
Holiste, un laboratoire de Saône-et-Loire, implanté dans les Landes, a mis au point depuis 2011 une nouvelle technique de gemmage, qui plutôt qu’utiliser de l’acide sulfurique (toxique pour l’environnement comme pour l’homme), emploie une pâte écocertifiée comme activateur. « Les pins maritimes des Cévennes ont d’excellentes caractéristiques mécaniques car ils poussent lentement et avec difficulté. Ils peuvent sans doute produire une gemme de très bonne qualité », a estimé Luc Leneveu, responsable du programme BioGemme chez Holiste.
Pour déterminer la composition et les vertus de la gemme cévenole, une expérimentation a donc été lancée par le gemmeur landais, avec l’appui du Pays Cévennes, l’Office National des Forêts et l’INRAE de Montpellier mais également du PETR Sud-Lozère et de l’Université de Montpellier.
Cinq stations de prélèvement installées dans la forêt du Rouvergue
Déterminées selon des sols différents par Léo Husson, stagiaire-ingénieur de l’ONF, 228 parcelles de la forêt domaniale du Rouvergue, à La Grand-Combe, ont été sélectionnées pour accueillir cinq stations de prélèvement. Au total, une cinquantaine d’arbres ont reçu la visite du gemmeur landais Luc Leneveu et de la stagiaire-chimiste Aishah Nunoo de l’INRAE.
Avec l’abandon du gemmage et des anciennes techniques, le laboratoire Holiste a dû réinventer le métier. « Nous avons fabriqué nos propres outils de travail afin que notre méthode de prélèvement soit plus efficace, plus respectueuse de l’homme et de l’environnement », indique Luc Leneveu.
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Luc Leneveu a dû réinventer complètement le métier de gemmeur en commençant par fabriquer ses propres outils de travail.2.
Le gemmeur entaille l’écorce de l’arbre pour atteindre la surface de l’aubier.3.
Une pâte d’argile et d’acides organiques est déposée dans le creux pour freiner la cicatrisation de l’arbre et activer la coulée de la résine.4.
Une poche hermétique est insérée dans le creux de l’arbre et récolte la gemme. Cette technique optimise le prélèvement. Avec les pots d’argile des anciennes techniques, l’essence de térébenthine s’évaporait.5.
La distillation de la gemme produit d’une part de la colophane et d’autre part de l’essence de térébenthine, utilisée dans la chimie, la pharmacie, la cosmétique, l’aromathérapie.6.
Les premiers prélèvements auront lieu fin juin. Les échantillons seront analysés par l’équipe de l’INRAE de Montpellier.Une filière à construire sur le modèle de polyculture cévenole
À travers cette expérimentation, les élus locaux et les forestiers cévenols contribuent à poursuivre les engagements de la Charte forestière du Pays Cévennes. « Notre stratégie de développement forestier comprend un renforcement de l’identité forestière cévenole et la création de projets forestiers professionnels. En valorisant la forêt, nous déployons une gestion durable forestière avec les propriétaires terriens et nous créons des emplois non délocalisables grâce à des filières courtes », indique Patrick Deleuze, vice-président du Pays Cévennes, en charge de la Charte forestière.
« Les Cévennes pâtissent d’un manque de culture sylvicole quasi inexistante sur notre territoire, explique Francis Mathieu, président du Syndicat des forestiers privés du Gard. Je défends depuis longtemps le pin maritime qui est, à tort, très critiqué mais possède de nombreuses vertus dont les forestiers doivent s’approprier. »
À terme, une filière courte autour de la résine du pin maritime cévenol pourrait voir le jour sur le territoire. La distillerie Bel Air, les cosmétiques l’Accent et surtout les thermes des Fumades ont exprimé tout l’intérêt qu’ils portaient à cette expérimentation. Une micro-filière non négligeable pour les agriculteurs cévenols dont la polyculture est l’essence même de leur raison d’être et un atout pour leur avenir professionnel.
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